Cosmogonie intime
« Dès mon enfance, j’ai eu la conscience aiguë de ma fraternité avec le monde : les arbres, les plantes, les animaux, les pierres, l’eau. Je savais d’instinct que j’étais faite des mêmes éléments qui me permettaient une communication intense avec eux. La « bête » toujours présente dans mes images, à la fois protectrice et dangereuse, est là pour rappeler le besoin vital de s’approcher, se frotter à l’autre, de fusionner. »
Crocs et résistance
« Quelque chose me disait que j’étais sur la terre pour protéger ceux que j’aimais, pour apprivoiser la violence, la désarmer, pour ne jamais obéir à la bêtise, ne jamais me soumettre à l’autorité de quiconque, à tout abus de pouvoir.
Aujourd’hui je crois au militantisme du quotidien, à la nécessité de mise en question de soi. Je pense que chaque acte négatif que l’on accomplit participe à l’assombrissement du monde, que chaque action positive participe à la beauté, à la générosité, à l’éclat du rire, à la poésie. »
Le regard
« Sous l’intensité des couleurs qui animent mes tableaux se cache un regard aiguisé et vigilant sur le monde. Leur chaleur masque un immense désespoir face à la souffrance des hommes et à la force destructrice qui les pousse au saccage.
Cette violence je la porte en moi. Elle est présente dans le regard pensif des êtres que je peins, dans leur interrogation, dans leur mélancolie. Elle est une tentative d’apprivoisement permanent de mon animalité.
Peindre devient un besoin pulsionnel de tisser les fils d’or qui relient les choses.
Chaque jour est un voyage que j’essaie de ne pas ternir ; et face au grand blizzard qui me traverse, je peins la chaleur, la vie, l’amour, la musique, la poésie comme un contrepoint à la difficulté de vivre.
Je suis un voyageur immobile, je porte en moi les mythologies et les couleurs du monde.
Je crée des chemins de broussaille à l’intérieur des mondes que je porte pour essayer de voir clair dans mes trop grands silences, pour ouvrir un passage entre les êtres et les choses, un pont entre la vie et la mort.
Peindre pour résister à toute tentative d’enfermement, pour préserver ma liberté. »